Agent pénitentiaire au Luxembourg: «En quelques secondes, tout peut déraper en prison»

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Agent pénitentiaire au Luxembourg«En quelques secondes, tout peut déraper en prison»

LUXEMBOURG - Le Covid, la surpopulation carcérale, la relation avec les détenus et prévenus... Plusieurs agents pénitentiaires se confient sur leur quotidien particulier en prison.

Marine Meunier
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Marine Meunier
Bruno et Conny sont agents pénitentiaires au Centre pénitentiaire d'Uerschterhaff.
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Bruno et Conny sont agents pénitentiaires au Centre pénitentiaire d'Uerschterhaff.

Vincent Lescaut/L'essentiel

Isolement, bagarre entre détenus, agents parfois pris pour cible... Ils sont 563 à exercer le métier compliqué et méconnu d'agent pénitentiaire au Luxembourg. «J'évite de parler de mon travail à la maison, car c'est souvent ce qu'on me demande, des faits divers, s'il y a eu des conflits ou autre chose», confie Matteo. Originaire d'Italie, ce résident luxembourgeois occupe le poste d’agent pénitentiaire à Schrassig depuis 2007. Il se définit comme «porte-parole» du détenu et «personne de contact».

Service du déjeuner, des médicaments, transport pour des rendez-vous médicaux, contrôle des cellules ou encore surveillance, «pendant des jours et des mois», le quotidien en prison peut s'avérer très «banal», retrace Matteo. «Il y a beaucoup de moments de partage entre codétenus, mais on reste dans une prison et la qualité première d'un agent est d'être très vigilant. Car en quelques secondes, tout peut déraper».

L'agent a d'ailleurs été témoin d'un «évènement très violent» récemment. «Vous devez reprendre vos esprits et prendre les bonnes décisions dans un moment de stress». Selon son service, l’agent pénitentiaire côtoie et suit le détenu presque partout. Difficile pour eux d'avoir une intimité. Avec les années, les condamnés apprennent à connaître les agents et inversement, et il y a évidemment des relations qui en découlent: «Certains m'appellent par mon prénom mais moi, je préfère ne pas les tutoyer, c'est une règle. Il faut garder une certaine distance professionnelle», assure l'agent.

«Moment de stress intense» pendant le Covid

Si de par leur badge, les détenus connaissent leur nom, prénom et fonction, les agents tâchent de ne rien dévoiler de leur vie privée. «On n'est pas dans le cliché des séries américaines en termes de dangerosité, mais on peut vous mettre la pression, vous harceler vous ou votre famille».

Avant l'ouverture de la prison de Sanem, le centre pénitentiaire d'Uerschterhaff en 2022, les conditions de détention étaient «compliquées», se remémorent les agents, la surpopulation carcérale a «entraîné pas mal de stress et de pression psychologique». «Les détenus étaient entassés et ça a duré des années, se rappelle Matteo. Et l'arrivée du Covid en 2019 a également été une période difficile: «Coupés du monde, les détenus ne savaient pas ce qu'il se passait à l'extérieur».

L'influence des agents féminins sur les détenus

Pour Conny, devenir agent pénitentiaire n’était pas prévu dans son plan de carrière. Après 7 ans passés à la poste en tant que factrice, elle postule en 2009 à la prison de Luxembourg. Aujourd'hui, elle occupe le bureau d'inspection au Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff. . Au total, elles sont 134 femmes agentes pénitentiaires dans les centres fermés de Luxembourg. Un secteur où les hommes sont majoritaires, mais qui« a bien évolué», selon Matteo. «Cette mixité s'avère être un grand atout, admet Conny. Certaines situations exigent la sensibilité et la douceur d’une femme quand d'autres nécessitent la «force» de l'homme».

Et la présence de femmes en prison peut avoir une autre influence assez cocasse. «Quand on passe vérifier les cellules des détenus, on constate qu'elles sont un peu plus propres, mieux rangées et nettoyées, car c’est nous qui passons, confie Conny. D’autres prennent le temps de se raser».

Les détenus dépendants des surveillants

Bruno est un des premiers agents à partir pour assurer la surveillance au centre pénitentiaire d'Uerschterhaff. Lui aussi possède une relation particulière avec les détenus, qu'il chérit. «On n'est pas là pour punir les détenus, ils le sont déjà par la justice. On est leur personne de référence».

Qu'ils soient prévenus ou condamnés, les détenus dépendent constamment des surveillants. «Quand vous avez des maux de tête, vous vous rendez dans votre salle de bain et prenez votre médicament, explique Conny. Eux, ils doivent nous appeler, ensuite nous devons en parler à l'infirmerie qui va d'abord vérifier les allergies avant d'apporter le comprimé».

Bruno, qui travaille dans le milieu carcéral depuis 2013, avoue avoir déjà jeté un œil aux dossiers des individus enfermés, accessible que pour certains agents, dans le cadre de ses fonctions. «Quand j'étais jeune agent, je souhaitais à tout prix savoir ce que les personnes en face de moi avaient fait pour être là, mais je me suis rendu compte que ça m'affectait plus qu'autre chose et les relations avec. Au final, tout le monde doit être impartial», explique Bruno. «La population juge déjà suffisamment à l'avance, mais il ne faut pas réduire quelqu'un à son crime, ajoute Conny, ils sont humains comme nous. Certains ont seulement pris une mauvaise décision à un moment donné et se retrouvent maintenant en prison. Mais ça peut nous arriver à nous tous».

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