DiplomatieComment la présidente mexicaine a gagné le respect de Trump
Comment gérer un voisin menaçant, mais indispensable, sans aller au choc frontal ni courber l’échine? Claudia Sheinbaum a provisoirement trouvé la méthode avec Trump.

En évitant le choc frontal avec Trump (dr.), Claudia Sheinbaum se distingue d’autres leaders de la région (le Colombien Gustavo Petro ou l’ex-Premier ministre canadien Justin Trudeau) (images d'archives).
AFPScientifique de classe moyenne et au caractère réservé, la première présidente de l’histoire du Mexique, Claudia Sheinbaum, est parvenue à gagner le respect de Donald Trump, qui la qualifie de femme «merveilleuse» – tout en accusant son gouvernement de collusion avec le narcotrafic.
Au-delà de la relation personnelle, la dirigeante de gauche doit protéger les intérêts vitaux du commerce extérieur de son pays face aux menaces tarifaires de Washington (80% des exportations mexicaines vont aux États-Unis), tout en refusant l’ingérence des États-Unis dans la lutte contre le narcotrafic.
«Tête froide» et pas de «testostérone»
Physicienne de renom, Sheinbaum n’a pas besoin de forcer sa nature rationnelle et méthodique pour rester posée et pragmatique face à Trump. «Calme et tête froide», a-t-elle demandé lorsque le président a décrété l'«urgence», le long de la frontière, de 3 100 km dès son retour à la Maison-Blanche en janvier. Éviter de «répondre à la rhétorique de Trump» fait partie de sa stratégie, explique Pamela Starr, spécialiste de la relation bilatérale à l’Université de Californie du Sud.
En évitant le choc frontal avec Trump, Mme Sheinbaum se distingue d’autres leaders de la région (le Colombien Gustavo Petro ou l’ex-Premier ministre canadien Justin Trudeau). «Elle a retiré la testostérone de l’équation», résume le journaliste Pedro Miguel, proche du parti au pouvoir et de ses dirigeants.
Exemple de la méthode Sheinbaum: début mars, le président américain confirme l’entrée en vigueur de tarifs douaniers à 25% sur les importations en provenance du Mexique, qu’il accuse de ne pas lutter assez contre le fentanyl et l’immigration clandestine. Lors de sa conférence de presse quotidienne, Claudia Sheinbaum promet des «mesures tarifaires et non tarifaires» pour ne pas donner l’impression de plier.
Prévention
Mais elle laisse de facto du temps et une chance au dialogue, en précisant qu’elle détaillera ses représailles quelques jours plus tard, lors d’un événement public. Résultat: dans l’intervalle, elle a conclu un accord par téléphone avec Trump, qui a suspendu les taxes jusqu’au 2 avril par «considération» envers elle. L’événement public a été un succès populaire, avec la participation de dizaines de milliers de personnes. Au Mexique, Mme Sheinbaum est populaire à plus de 80%. Et peu de voix de l’opposition osent la critiquer.
Claudia Sheinbaum «a beaucoup parlé» avec son prédécesseur Andrés Manuel López Obrador pour comprendre Trump, estime Pedro Miguel, proche de l’ancien président, ce dernier ayant dû gérer le milliardaire entre 2019 et 2021, et le considérait comme son «ami». Sheinbaum a aussi agi de manière «préventive» sous la pression de Trump, souligne Pamela Starr, référence aux premières saisies de fentanyl annoncées par le Mexique autour de Noël, entre l’élection du Républicain et son investiture.
«Coopération, oui ; subordination, non», répète-t-elle comme un mantra qui guide sa politique envers Trump et les États-Unis. La «coopération» s’est traduite par la remise aux États-Unis de 29 barons de la drogue présumés et le déploiement de 10 000 forces de sécurité le long de la frontière pour lutter contre le trafic de fentanyl.
«Le Mexique a esquivé une balle, mais Trump a encore un pistolet chargé»
Fermeté
Dans le même temps, la présidente a rejeté «catégoriquement» les accusations selon lesquelles son gouvernement protégerait des bandes de narcotrafiquants. Elle renvoie Washington à sa propre responsabilité dans les trafics d’armes des États-Unis vers le Mexique, qui alimentent la violence.
Trump lui-même a reconnu la fermeté de Sheinbaum, selon le New York Times: «Tu es dure», lui aurait-il dit lors d’un appel téléphonique. Un compliment de sa part. Mais le chemin est encore long et la méthode Sheinbaum pourrait de nouveau être mise à l’épreuve le 2 avril, à l’échéance de la trêve sur les tarifs douaniers.
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