Julie Depardieu«Je suis un peu animale»
Julie Depardieu n’a jamais voulu devenir actrice. Quant à la célébrité, l’artiste française de 40 ans la redoute plus que tout.

Aujourd'hui, à 40 ans, Julie a trouvé un certain équilibre dans son métier.
20 MinutenFraîche et spontanée, la fille de Gérard Depardieu s’est confiée à cœur ouvert. A l’affiche de la comédie dramatique «Les yeux jaunes des crocodiles», dès le 9 avril au cinéma, Julie Depardieu est en réalité une femme plus fragile qu’il n’y paraît...
Dans votre dernier film, vous incarnez une femme peu sûre d’elle. Vous êtes-vous reconnue dans ce personnage?
Oui. Elle est toujours en train de se dévaloriser, et moi aussi. Je passe ma vie à douter de mes capacités. Je pars du principe que je ne peux pas arriver à faire certaines choses. Alors quand j’y arrive, je me dis: «Super, j’ai réussi!» Parce que je pense souvent au pire...
Dans ce rôle, on vous découvre douce, bienveillante. Vous souhaiter faire le bonheur de tout le monde.
Oui, je suis surtout un peu conne! Dans les rôles que je joue, je m’arrange toujours à y mettre un peu de ma personnalité. Je ne peux pas jouer quelqu’un qui est trop loin de moi. J’en suis incapable. J’ai aussi ce manque de confiance en moi, ces doutes, qu’on retrouve dans mon personnage de Joséphine. La seule différence que je peux avoir avec elle, c’est que si on me file une claque sur la joue droite, je ne vais pas tendre la gauche. C’est ça qui m’énervait chez elle.
Quel est, selon vous, votre plus grande qualité?
Je suis quelqu’un qui entend, qui écoute. Durant toute ma vie, on m’a demandé pourquoi je ne faisais pas de l’opéra, alors que j’ai une vrai passion pour ça. C’est parce que je l’écoute. Ma place d’oreille géante me ravit plus que si je chantais mal. L’être humain n’a pas besoin de tout faire. On a des sens qu’on peut développer comme l’ouïe. Moi, je vis une vie passionnelle et passionnée avec l’oreille. Je n’ai donc pas besoin de chanter puisque j’entends tout ce que je veux.
Comment vivez-vous le fait d’être connue?
La célébrité n’est pas quelque chose qui me fait rêver. Heureusement pour moi ça va. Personne n’est devant ma fenêtre. J’habite en banlieue, j’ai des poules. Tout le monde s’en fout de moi, parce que je suis comme la voisine, en fait. Je suis normale, je ne suis pas quelqu’un d’extravagant.
La célébrité de votre père vous a-t-elle dérangée durant votre enfance?
Oui. Lorsque ma mère et moi marchions avec lui dans la rue, on était souvent un peu derrière lui. Là, j’entendais tous les commentaires des passants. Les gens disaient tout haut ce qu’ils pensaient de lui, c’était atroce! Du coup, son métier me faisait vraiment peur.
Que pensez-vous de toute la polémique autour de son exil en Russie?
Ça m’a blessée pour lui. Je pense qu’il n’a pas mérité tout le mal qu’on a dit sur lui. C’est un mec qui n’aime pas la polémique. C’est quelqu’un qui ne fait pas de bains de foules. Il aimerait bien pouvoir traverser la rue sans être interpelé toutes les cinq minutes, alors il préfère ne pas la traverser, mais mon père est très sympa. Quand il va dans un hôtel, il préfère parler au voiturier plutôt qu’au directeur. J’espère qu’il est quand même un petit peu heureux.
Quel autre métier auriez-vous pu faire?
Je me serais bien vue à la poste. Enfant, je voulais être factrice avec une mobylette jaune, c’était mon rêve, distribuer le courrier. Ou alors vendre des tickets d’opéra. J’ai aussi pensé à être trapéziste, même si j’avais le vertige. Vers 17, 18 ans, je ne savais pas ce que j’allais faire. On me disait : «Tu veux être actrice?» Et je répondais : «Ben non!»
Le fait que votre père et votre frère soient acteurs vous a influencée à faire ce métier?
Non, jamais je me suis dit que je serai actrice. Au début de ma carrière, j’avais l’impression que j’usurpais quelque chose que je n’avais pas. En plus, j’étais tellement timide que ce n’était pas possible. Quand on me disait bonjour, je ne répondais même pas. J’étais écarlate.
Alors pourquoi avoir choisi le cinéma?
Ce n’est pas moi qui ai voulu en faire! En fait, on me l’a proposé. C’était une scène où je devais servir une bière. Je me suis dit : «D’accord, j’adore la bière!» En plus, à cette époque je sortais avec un garçon de café qui avait son propre bar. Cela a donc commencé comme ça et ça m’a plu finalement.
Aujourd’hui vous avez vaincu votre timidité?
Oui, mais maintenant, je parle tout le temps!
Vous avez récemment coréalisé un documentaire sur votre frère Guillaume, disparu en 2008. Pourquoi avez-vous eu besoin de le faire aujourd’hui?
Parce que je n’aurais pas été capable de le faire avant. Quand on a perdu quelqu’un, il y a un moment de colère qui doit se faire. Je me souviens que lorsque je croisais des grands jeunes hommes blonds, je voulais qu’ils soient morts. Ça a duré deux ans. Je ne supportais pas non plus de voir quelqu’un avec des béquilles. On ne peut rien faire quand on est dans cet état-là. J’avais trop la rage, j’avais envie qu’il revienne.
Vous avez deux petits garçon, Billy et Alfred. Quel genre de maman êtes-vous?
Je suis un peu animale, je ne parle bas beaucoup. Je leur dis tout le temps : « Non,non ,non! Tu vas tomber! » Ils ont 1 an et demi et 2 ans et demi, c’est ce qui a de pire comme âges! Il faut leur expliquer les choses très gentiment. Même moi, je ne pensais pas que je serais comme ça. C’est sûr que je m’en soucie, mais je n’ai pas non plus la mièvrerie d’une maman parfaite.
Vous avez toujours eu envie d’avoir des enfants?
Non! Je n’en voulais pas, ça me faisait peur. Je suis quand même heureuse d’en avoir. On n’est pas à l’abri d’une contradiction...
Si vos garçons veulent aussi devenir comédiens, êtes-vous prête à les encourager?
Je ne les pousserai à rien. Ils se démerderont. On ne m’a tellement pas encouragée à faire ce métier...
(L'essentiel avec Ludovic Jaccard)