Julien Doré: «Je ne veux pas passer sur toutes les ondes»
Vainqueur de Nouvelle Star 2007, Julien Doré sort son premier et très attendu album, Ersatz, le 16 juin prochain
Lumière tamisée, quasi silence pour tout fond sonore. Ce jour, le bar d’un hôtel chic parisien se la joue « cool attitude ». Avec, pour « client », Julien Doré. Un jeune homme (26 ans le 7 juillet prochain) consacré Nouvelle Star en juin de l’an passé- ainsi en avaient décidé les téléspectateurs d’un programme télé que certains tiennent pour une version en images des radio-crochets d’antan.
Mais voilà, lui blondinet totalement déjanté, accessoirement dégingandé, comment allait-il vivre l’après- Nouvelle Star? Apprenti-expert dans l’art du détournement, allait-il seulement poursuivre l’histoire? Enregistrer un album en solo ou rejoindre son groupe de toujours, Dig Up Elvis?
En février dernier, la réponse a surgi : Julien Doré est en studio, termine son premier album. Sortie annoncée pour le 16 juin prochain ; le titre : Ersatz- quatorze chansons dont le single déjà sur les ondes : Les Limites. Et la confirmation que ce jeune homme, sorti d’une émission de télé-réalité, est un artiste. Un vrai. Avec une personnalité, un univers. La preuve en questions- réponses avec cet entretien exclusif accordé à L’essentiel.
Quel sourire ! Doit-on penser que tout va bien, en ce moment, pour vous?
Oui, tout va bien! Je suis extrêmement heureux. Stressé, aussi. Très stressé, même, et ce serait mentir que de dire le contraire. Sincèrement, c’est formidable ce qui m’arrive. Un premier album tel que je l’ai vraiment souhaité… Je suis vraiment ravi, quoi!
Pratiquement un an pour écrire, composer, enregistrer Ersatz…
Oui, je sais, il y avait urgence dans l’attente mais moi, j’estime avoir vraiment pris le temps. Au-delà même de ce qu’on voulait m’accorder. Mais c’est comme ça : j’ai pris le temps qu’il fallait… Comment pourrait-on défendre un projet si on n’a pas pris exactement les précautions et le temps nécessaires, si on n’a pas effectué les choix que l’on souhaitait au départ du projet?
Cet album, il correspond à 100% de ce que vous êtes? Il ne souffre d’aucun compromis?
A plus de 100% même! J’ai tenté la diversité. J’ai essayé d’y glisser toutes les pistes possibles sur moi, sur mon écriture…
Vous avez le sentiment d’avoir tout dit sur vous avec ce premier album?
Certainement pas. J’en ai gardé sous le pied! Parce qu’il en faudra, de la matière, quand on va aller sur scène… Ces mêmes morceaux, il faudra alors les triturer différemment, les emmener ailleurs, expérimenter des choses… Rassurez-vous, oui, l’énergie encore est là!
Vous avez enregistré Ersatz parce que c’était prévu, imposé dans le contrat de Nouvelle Star?
Pas le moins du monde… J’ai pris mon temps, je voulais un album qui me corresponde, avec les personnes que j’aurai choisies… Et puis, j’ai fait une grande découverte : le travail en studio. Ça a été génial- s’isoler, travailler, tester des choses, c’est fabuleux… Alors, évidemment, j’ai encore envie d’enregistrer d’autres albums. Le studio, ça m’a apporté quelque chose d’important…
Quoi? Une façon différente d’appréhender le métier, l’art de la musique…
Mais pas un instant, je ne peux pas penser ça comme un métier. Je ne peux pas me penser comme chanteur. Je raconte des trucs, je suis là avec un univers… Je ne suis pas chanteur de chansons, je ne suis pas vraiment là-dedans, j’ai envie de me balader dans plein de choses, essayer de trouver des moyens de m’exprimer...
Vous avez conscience que votre premier album est un des événements de l’année musicale francophone parmi les plus attendus?
Oui, et je vis comme une grande chance. Ce n’est pas la chance de tous les artistes, et notamment de tous les artistes qui ont à des émis-sions télé comme Nouvelle Star. C’est une grande, grande chance. Je pense ne pas la trahir parce que je m’impose aussi une rigueur tant dans les entretiens que dans le son que j’ai produit. Je me suis imposé certaines choses pour ne pas trahir les gens qui m’ont amené là où je suis, maintenant…
Quel genre de choses?
Par exemple, je n’avais aucune envie d’aller dans une grande facilité, de passer sur toutes les ondes radio… Je ne suis pas dans une démarche de séduction. Au contraire, pour ce premier album, j’ai voulu une vraie implication, une vraie tentative pour apporter un son… Je ne sais pas mener si j’ai réussi, on verra… Mais je sais une chose : pendant l’écriture, jamais je ne me suis projeté sur le résultat. Jamais je ne me suis dit : « Ah ! oui, là, si j’écris ça comme ça, ça va passer là, ça va plaire… » Tout ça, moi, je m’en fous ! Etre fidèle à soi-même, voilà ce que je veux. S’imposer une vraie rigueur dans l’écriture, dans la manière d’en parler pour ne pas trahir du jour au lendemain ce qu’on a construit pendant l’émission.
Vous imaginez l’échec pour Ersatz?
De la même manière que, lorsque j’écris ou compose, je ne souhaite pas savoir à qui je m’adresse, je me dis que si l’album est bien ac-cueilli et que j’en vends des millions, ça me ravira… Mais si je mets à penser à qui je dois m’adresser, à qui je veux m’adresser, le proces-sus est faussé… Les gens à qui je ne plais pas, ils ne viendront pas au concert, ils n’achèteront pas l’album. Et finalement, tout va bien ! La vie est plutôt cool tant que l’album est acheté par des gens à qui ça plait.
Avec Les Limites, le premier single extrait d’Ersatz, vous annoncez la couleur ! Vous chantez : « J’ai dépassé les limites aisément / Facilement sans un problème d’éthique (…) Je vais payer pour ça / Je vais me retrouver au bagne (…) Quand je commence / Je finis le travail assurément (…) Je vais payer tout ça / Alors par ici la monnaie »… Alors, la question s’impose : Julien Doré, es-croc artistique?
J’apprécie les chansons qui ont plusieurs couches de lecture. Des morceaux comme que pouvait les faire Dutronc, je pense à son Dragueur des supermarchés… Il y a des titres comme ça qui créent des respirations dans un album. C’est bien de dédramatiser une chanson… Alors, Doré escroc ? On me reproche aussi une certaine forme d’intellectualisme. Mais on peut toujours m’accuser de greffer du sens, parfois même des triples sens, n’empêche ! une chanson comme les Limites, elle plaît à mon filleul qui a quelques années et à ma grand-mère ! La vie, c’est ça… Effectivement, on peut greffer un sens et un langage aux choses mais la table s’appelle table parce qu’on s’est tous mis d’accord. Mais surtout, je suis content quand je vois un gosse danser devant sa télé en regardant le clip des Limites. Parce que tout ce qui reste, c’est simplement qu’on fait ça pour s’amuser ! Oui, moi, je fais de la musique parce que c’est super de chanter et que je préfère chanter, jouer de la guitare et faire rire ou sourire les gens plutôt que de faire les petits boulots que je faisais avant… Aujourd’hui, j’ai envie de prendre du plaisir.
Propos recueillis par Serge BRESSAN à Paris
*A écouter : Ersatz, de Julien Doré (CD Jive-Epic / SonyBMG). Sortie le 16 juin 2008.
Quelques textes de l'album
>Bouche pute (Julien Doré)
J’aime bien dans ton habit du dimanche / Tous les motifs délavés Un jour, j’irai pisser sur tes hanches Provoquer toute leur étanchéité
Pour ainsi dire et de passage / Ton corps noué dans le parquet / Ta bouche pute sale jusqu'à la rage / Me fit te détourer à la craie
Histoire de voir ou tu en somme / Décide de pleurer vers le large / De jolie brume à pauvre conne / Disposais-tu de plus de marge
Je reste allongé sur tes sables / Mouvants pouvant parfois m’aider / A devenir ton homme slave / A verve morte dilatée / Et de ton corps à demi nu / Je ne retiens qu’à demi-mot / Les maîtres maux de ton
>Les bords de mer (Doriand/Edith Fambuena)
J’ai bu la tasse / Assis en terrasse / Quand t’es passé pas toute seule
Je me rince l’œil / D’une larme d’orgueil / Je paie en liquide / Ma chambre single
A Palavas / Les bords de mer / Me désespèrent / Sans ta tronche
Les bords de mer / Sont des posters / Ou rien ne bronche
Les sports de glisse / Les feux d’artifice / Comme c’est joli / Comme c’est con….
Un avion passe / Traîne derrière lui / Un « Je t’aime » / Pour toi tout baigne
Moi dans ma crasse / Les bords de mer / Me désespèrent / Sans ta tronche
Les bords de mer / Sont des posters / Ou rien ne bronche
Et tu cours avec lui / Comme à Malibu / Un peu au ralenti / A perte de vue / Il est parfois bon, de se noyer / T’es pas chiche
Comme dans Malibu
J’ai bu la tasse / Assis en terrasse / Quand t’es passé pas toute seule / Je reprends la même / Blonde a son bras / Je fais la croisette / Je fais la guerre / Et je t’en passe
Les bords de mer / Me désespèrent / Sans ta tronche
Les bords de mer / Sont des posters / Ou rien ne bronche
Les bords de mer / Me désespèrent / Sans ta tronche
Les bords de mer / Sont des posters / Ou rien ne bronche
>J’aime pas (Salo)
Oh j’aime bien quand tu fais comme si j’étais pas là / Oh j’aime bien, quand tu fais comme-ci et moi comme ça / Mais j’aime pas comment tu me dis qu’est ce que tu bois / J’aime pas comment tu conduis / J’aime pas comme tu dis regarde toi
J’aime tellement te faire mentir, que tu me crois / J’ai tellement quand tu soupires qu’ils sont pour moi / Mais j’aime pas comment tu me dis regarde toi / J’aime pas comment tu conduis / J’aime pas quand tu dis qu’est-ce que tu bois
Oh j’aime bien sur tes grands chevaux monter parfois / J’aime bien dans tes petits pots tremper mes doigts / J’aime pas comment tu me dis qu’est ce que tu bois / Oh j’aime pas comment tu conduis / J’aime pas quand tu dis regarde toi
>Piano Lys (Julien Doré)
J’essuie les lames de tous tes fonds / De fil en cave sans opinion / Je suis le lys que tu exportes / In extremis en porte-à-porte
Dans les virages que tu m’empruntes / Je trace en large le trait d’Absinthe / Qui me remonte le long du nez / En amont des cétacés
Je peins la langue / Bleu de Cézanne / Battées au fer / Rouge pivoine / Qui demande tout à l’envers / Et je me doute que tu t’y perds
>Soirées parisiennes (BabX)
Dans tes folles soirées parisiennes / Sur des dance-floor désabusés / Danse des messalines coupes pleines / De Veuve Clicquot éventées
Incandescentes sous les spotlight / Leurs bouches brillent comme du silex / Au feu d’une Marlboro Light / Mégot luisant Carmin Carmex
Dans tes folles soirées parisiennes / Des gringos à l’air dégagé / Fils à papa, paupières blêmes / D’un coup de mèche gominée / Sortent des toilettes pour dames / Un peu de sang sous les narines / Quelque chose comme du vague à l’âme / Coupé à la térébenthine
Oh oh oh / Qu’est-ce qu’on se marre à Paris / Oh oh oh / What a fuck in Paris
Dans tes folles soirées parisiennes / Petit soldat du show business / De la Baby Doll Mondaine / Au matamore de la presse
Rôdent comme des chats perdus / À la recherche d’un Roméo / D’un signe ou d’une main tendue / Voudrait bien être sur la photo
Dans tes folles soirées parisiennes / Tu rentres si t’as le bon déguisement / Mec décalé, british, bohême / Ou bien de rocker allemand
C’est qu’ça se gagne de s’échouer / Dans ce New York de prisunic / Mais si t’as le look et le chéquier / T’inquiètes tu seras de la clique
Oh oh oh, qu’est-ce qu’on se marre à Paris / What a fuck in paris
>Pudding Morphina (Julien Doré)
And I was born dead in your home / Watching TV mum you’re welcome / Into my car smelling pudding morphina
Wearing my elesses you should come / And eat all pets you’ll could found / Between any sick teeth of monkey town
My sick brain / Is leaving my hand / My sick brain / Is squeezing my name
My feet are smelling bear and bread / My nose gives funk rythm to them / Into my big balls of business man
I was learning in my bed / When you told me you were drunk / Thank you fucking pudding morphina
And I was born in morphina / I had to learn to breath and swim / Into my glass of hospital / I’ll send you stolen flowers / By UPS car in your bath / At thirty six cuckold avenue
>Los Angeles (Julien Doré)
Je claque la porte / De ma maison close / Et tu t’héliportes vers moi
Tes seins sont vides / De sens avéré / Et tu t’imagines les restes du palier
Oh oh oh oh / Oh oh oh oh / Oh oh oh oh / Oh
Je souffle sur les braises / De Los Angeles / J’enfume le drame qui m’embrasse
Tu lis entre les lignes / Qui ne brûlent pas / Et tu m’imagines en un feu de joie
Oh oh oh oh / Oh oh oh oh / Oh oh oh oh / Oh
Oh oh oh oh / Oh oh oh oh / Oh oh oh oh / Oh
Le track listing d’Ersatz
1/ Acacia (Cocoon)
2/ Les bords de mer (Doriand/Edith Fambuena)
3/ Les limites (David Scrima)
4/ Bouche pute (Julien Doré). Avec la participation de Christophe
5/ Les figures imposées (Cocoon)
6/ Dans tes rêves (David Scrima)
7/ Pudding Morphina (Julien Doré). Avec la participation de Chris-tophe
8/ Piano Lys (Julien Doré)
9/ Soirées parisiennes (BabX)
10/ J’aime pas (Salo)
11/ First Lady (BabX)
12/ SS In Uruguay (Ginzburg)
13/ Los Angeles (Julien Doré)
14/ De mots (Julien Doré/De Molina). Duo avec Arno.