Témoignage – «L’adoption devient de plus en plus difficile»

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Témoignage«L’adoption devient de plus en plus difficile»

LUXEMBOURG - Des démarches pouvant durer jusqu’à sept ans et des enfants parfois malades: témoignage d'un père de famille qui a relevé le défi.

«Adopter un enfant est une expérience fabuleuse».

«Adopter un enfant est une expérience fabuleuse».

AFP

«Lorsque le garçon m’a regardé dans les yeux, je ne voulais plus le lâcher. C’était le plus beau moment de ma vie», s’enthousiasme Henri*, père d’un garçon bulgare arrivé au Luxembourg à l’âge de trois ans. «Mais l’attente est extrêmement longue, et parfois vous perdez l’espoir», confie-t-il. Pendant des années, il n’attendait que le coup de fil lui annonçant que le service d’adoption avait trouvé un enfant pour lui et son épouse. «Et quand il est arrivé, ce coup de fil a changé ma vie», se souvient-il, ému. Un appel que certains parents au Luxembourg attendent pendant sept ans. Pourtant le chemin d'Henri et de son épouse Léa a été semé d’embûches et le choc a été dur. «À la bonne nouvelle de devenir parents a suivi la mauvaise: le service d’adoption m’a annoncé que l’enfant présentait un handicap».

Trouver un enfant en bonne santé est loin d’être évident, comme le confirme Thérèse Wagener, responsable du service des adoptions auprès de la Croix-Rouge: «De moins en moins d’enfants sont placés en adoption internationale comme les pays d’origine favorisent les adoptions nationales. Les enfants qui arrivent au Luxembourg sont souvent plus âgés et ont des besoins spécifiques en termes de santé». Triste nouvelle donc pour les parents en mal d'enfants: les demandes d’adoptions sont très élevées par rapport au nombre d’enfants placés à l’adoption. Selon le ministère de la Famille, 222 demandes d’adoptions ont été formulées en 2012. Seuls 16 enfants sont effectivement arrivés dans leur famille adoptive. Un chiffre en net recul.

Sept pages pour préciser les déficiences de l’enfant

De quoi comprendre la décision d'Henri et de Léa. «Soudain vous comprenez que votre désir d'enfant n'est rien par rapport aux besoins de cet enfant et aux épreuves difficiles qu'il a déjà vécues et vous éprouvez la volonté de tout faire pour le rendre heureux et lui ouvrir des perspectives». Mais accueillir un enfant avec un handicap représente également un défi pour les parents. «Il faut savoir être à la hauteur des besoins de l’enfant, savoir qu’on saura gérer, quoi qu’il arrive», insiste Henri. C’est pourquoi les parents adoptifs sont priés de détailler sur un formulaire de sept à huit pages, les handicaps ou maladies qu’ils sont prêts à accepter auprès de leur enfant.

«Qu’il s’agisse de petites malformations, de cécité, d’un handicap physique ou mental, d’autisme, de mutilations. Tout ce que vous pouvez imaginer! On vous demande: "Accepteriez-vous un enfant bisexué, un enfant sans bras, un enfant atteint du sida?"». Aux parents alors de faire des choix, parfois cruels, et surtout de se faire expliquer les implications ou la gravité de certains handicaps. Car il faut avoir conscience du fait qu'une déficience oculaire peut signifier que l'enfant est aveugle. «Il faut prendre le temps de bien lire le formulaire et de se laisser conseiller par un médecin».

Aujourd'hui il sourit

Et puis il y a le coût financier, aussi. Aux procédures administratives s'ajoutent d'éventuels voyages dans le pays, le transfert de l'enfant, les traductions des documents, l’acquisition d'un passeport... Des coûts que la Croix-Rouge chiffre entre 5 000 et 10 000 euros pour une adoption internationale, auxquels s'ajoutent d'éventuels traitements médicaux. Mais Henri et Léa ne regrettent en rien leur décision: «Adopter un enfant est une expérience fabuleuse. Quand il vous prend la première fois par la main pour aller jouer et que vous sentez en vous ce besoin de le protéger, c'est un bonheur sans pareil», s'exalte Henri, tout en savourant encore ces beaux souvenirs.

«Plus encore que les enfants biologiques, ils ont un énorme besoin d’attention, d’affection, de sécurité. Ils sont complètement dépendants de vous et vous leur donnez tout ce que vous avez». Après de nombreuses visites médicales et une énième opération, les choses vont aujourd'hui mieux pour leur petit Cédric. Il joue avec les enfants de son âge, s’amuse, sourit. Et les cris de joie devraient bientôt se multiplier, car Léa et Henri attendent désormais un nouveau coup de fil...

*Les prénoms ont été changés par la rédaction.

(Laurence Bervard/ L'essentiel Online)

Les pays d’origine

En 2012, la plupart des enfants venaient de Bulgarie, Cap-Vert, Corée du Sud, Colombie, Haïti, Inde et Portugal. Seuls deux enfants luxembourgeois ont été placés à l’adoption. Si les parents peuvent indiquer des préférences au niveau du pays d’origine, il n’est pas possible d’adopter des enfants de n’importe quel pays. Il faut que le pays d'origine soit signataire de la Convention de la Haye qui veille à la protection et aux droits des enfants à adopter.

De nombreux critères d’adoption

Outre un désir d’enfant prononcé et motivé chez les deux partenaires, il faut établir un bilan de santé. «La plupart des enfants à adopter ont déjà vécu des épreuves difficiles par le passé et nous voulons leur épargner, dans la mesure du possible, le risque de perte prématurée de l’un de leurs parents adoptifs», précise Thérèse Wagener, responsable du service des adoptions auprès de la Croix-Rouge. Les compétences parentales sont également évaluées. Passé l’âge de 45 ans, il n’est plus possible d’entreprendre des démarches d’adoption au Luxembourg.

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