Le débat politique encore empreint de religion
LUXEMBOURG - Jusqu'à samedi, l'université disserte sur le thème «La charia est-elle compatible avec les valeurs démocratiques libérales?».
«L'essentiel»: Pourquoi un symposium sur ce thème?
Lukas K. Sosoe (professeur à l'université du Luxembourg): Nous faisons de la recherche sur le pluralisme juridique dans la construction de l'Europe. En cela, la charia, ou droit islamique, est emblématique. Car il y a une demande de certains citoyens musulmans de régler leur droit selon la charia. En Ontario, des tribunaux ont dû s'opposer à ce que des affaires soient jugées selon la charia. Certains produits financiers répondent aussi aux exigences de la charia, y compris au Luxembourg.
Pourquoi la question de la compatibilité?
Les droits de l'homme reconnaissent à chacun le droit de vivre sa culture. Pourtant, la charia ne reconnaît pas l'égalité hommes-femmes. Et cette question de compatibilité avec les droits de l'homme se pose dans tous les droits religieux.
Pour en revenir à la charia, son application n'est pas pareille partout.
Non, au Maroc, par exemple, elle a été modernisée mais ceux qui ne savent pas lire ne sont pas au courant.
Si le droit religieux découle de la parole de Dieu, le moderniser n'est-il pas le vider de son essence?
Pas forcément, un changement peut découler d'une inspiration divine. La nomination d'un pape fait toujours l'objet d'enjeux politiques mais tout le monde sait que c'est Dieu qui l'a choisi (sourire).
Êtes-vous en faveur d'un État laïque?
La laïcité à la française est un peu agressive envers les religions. Je serais plutôt en faveur d'un État neutre qui reconnaisse toutes les religions. Au Luxembourg, le débat politique est encore empreint de religion. Regardez l'euthanasie.
Recueilli par Séverine Goffin