Au BrésilVirée de son job, elle crée un hôpital de poupées
Une Brésilienne de 62 ans, qui a perdu son emploi de femme de ménage au début de la pandémie, a créé un petit hôpital pour poupées, chez elle, dans un quartier pauvre.

Suelen da Silva -who lost her job in April, shortly after the coronavirus pandemic arrived in Brazil- checks a doll at her 'Doll Hospital' located in her house in Niteroi, Rio de Janeiro state, Brazil, on December 10, 2020. - Thanks to her ingenuity, da Silva managed to turn her hobby into a source of income. Dressed in a white coute with a stethoscope in her ears, "Dr. Suelen" listens to her "patient", a black doll with her small damaged celluloid body, which she tries to repair at home, in a poor neighborhood on the outskirts of Rio de Janeiro. (Photo by MAURO PIMENTEL / AFP)
AFP/Mauro PimentelVêtue d'une blouse blanche, stéthoscope aux oreilles, «Dr Suelen» ausculte sa «patiente», une poupée noire au petit corps de celluloïd endommagé, qu'elle soigne dans sa maison à flanc de colline, près de Rio de Janeiro. Suelen da Silva n'a pas de diplôme de médecine, mais cette Brésilienne de 62 ans a de l'ingéniosité à revendre: elle a transformé son hobby en gagne-pain, après avoir perdu son emploi de femme de ménage en avril, au début de la pandémie de coronavirus.
De petite taille, mais avec une forte personnalité, cette femme noire aux lunettes à monture épaisse a créé un petit hôpital «comme en vrai» pour poupées, chez elle, dans un quartier pauvre de Niteroi, en face de la baie de Rio. Alors que les professionnels de santé sont vus comme de véritables héros du combat contre le Covid-19, «Docteur Suelen» fait jouer l'imagination des enfants qui lui confient ses «patients». Elle leur envoie régulièrement des photos sur Whatsapp de leurs poupées, couchées dans un lit miniature blanc surplombé de loupiotes multicolores, avec une fiche de suivi médical bien visible.
Elle trouvait des poupées dans les poubelles
«Je leur donne des nouvelles jour après jour. Les enfants se comportent comme des parents dont le bébé serait hospitalisé. Un jour, une petite fille de cinq ans m'a laissé sa poupée en pleurant et disant: 'ne la faites pas trop souffrir, ne lui faites pas trop de piqûres!», raconte-t-elle. Pérola, la poupée noire dépenaillée aux jambes complètement désarticulées, a même été mise sous perfusion, avec un fin tube de plastique attaché au poignet par une bande adhésive.
La vocation pour la médecine des poupées est née chez Suelen durant l'enfance de ses filles, 35 et 22 ans aujourd'hui. «Je les ai élevées seule et je n'ai jamais eu d'argent pour leur acheter des poupées. Alors je me suis mise à retaper celles que je trouvais dans les poubelles», raconte Suelen, qui durant des années a aussi fait don de jouets réparés par ses soins à des projets sociaux. «Mais quand j'ai perdu mon emploi, c'est devenu une profession», explique-t-elle.
Une «vingtaine» par semaine
«Pour aider à me faire connaître, ma fille aînée Lydiane a commencé à publier des photos de mon travail sur Facebook. Quand elle m'a dit qu'il y avait eu plus de 3 000 vues, ça m'a un peu effrayée», confie le «Dr Suelen». Grâce à ce travail, elle arrive à joindre les deux bouts, même si ses revenus sont «très variables». Les frais d'hospitalisation vont de cinq réais (80 centimes d'euros) pour des symptômes bénins - donc des réparations simples - à 70 réais (11 euros) pour les patientes dans un état plus critique.
«Dans une bonne semaine, on m'en confie une vingtaine», révèle-t-elle, pour une durée d'hospitalisation de trois à quatre jours en moyenne. Les poupées, qui arrivent souvent désarticulées, chauves, voire décapitées après divers accidents de la vie, sont réparées, dorlotées, lavées et parfois même rhabillées avec des vêtements de sa création cousus main. Suelen a même inventé une formule secrète, mélangeant plusieurs types de solvants et produits d'entretien, pour enlever des traces de stylo souvent jugées indélébiles. Dans un seau, on peut voir plusieurs poupées prendre un bon bain pour enlever ces «tatouages» indésirables.
Mais comme de nombreux hôpitaux brésiliens aux infrastructures précaires, sa clinique spéciale est à la merci des intempéries. À cause des pluies diluviennes de la vielle, elle a dû déménager son infirmerie de sa terrasse à l'étage, totalement inondée, pour l'installer à l'étroit, contre la cuisine de sa petite maison en parpaings rouges. Mais elle rêve de pouvoir inaugurer bientôt sa "vraie" clinique, en construction sur le terrain d'à côté, qui sera plus grande.
(L'essentiel/afp)